2.2.3 Effet de la force de marée


Définition générale

La force de marée est une force qui tend à étirer les corps qui orbitent l’un autour de l’autre vers le centre de masse du système qu’ils forment. Cette force est bien entendue responsable des marées et du phénomène de rotation synchrone. Le phénomène de force de marée cause des variations temporelles de la gravité à tout moment d’une journée, il est donc important de le comprendre afin d’en corriger les effets dans les données gravimétriques.

La Baie de Fundy au Nouveau-Brunswick est réputée pour ces marées spectaculaires. La vidéo en time lapse suivante a été filmée dans le parc des rochers Hopewell Rocks, elle vous fera apprécier l’ampleur de la quantité d’eau déplacée par la force de marée.

Formulation mathématique

Sur Terre, la force de marée peut être simplifiée en formulant l’attraction gravitationnelle d’un système à trois corps, incluant :

  • L’eau sur la surface terrestre
  • La Terre
  • La Lune

Le Soleil a aussi un impact sur la force de marée (environ 30% de la force totale), mais nous allons ici négliger son rôle pour simplifier la démonstration.

Accélération au centre de la Terre

D’après la loi universelle de la gravitation de Newton, un corps de masse unitaire $m$ située à une distance $r$ d’une autre masse $M$ ressent une force $\boldsymbol{F}$, tel que

\[\boldsymbol{F} = -G \frac{M m}{r^2}\ \boldsymbol{\hat{r}} ,\]

où $G$ est la constante gravitationnelle et $\boldsymbol{\hat{r}}$ est le vecteur unitaire qui pointe de $m$ vers $M$. D’après la deuxième loi de Newton la masse unitaire ressent une accélération $\boldsymbol{a}$ :

\[\boldsymbol{a} = -\frac{GM}{r^2}\ \boldsymbol{\hat{r}} .\]

Dans notre système Terre-Lune, on s’intéresse d’abord à l’accélération due à la force exercée par la Lune sur le centre de la Terre. Soit $R$ la distance qui sépare le centre de la Lune du centre de la Terre et $M_\mathrm{L}$ la masse de la Lune. L’accélération ressentie au centre de la Terre est :

\[\boldsymbol{a}_\mathrm{centre} = -\frac{GM_\mathrm{L}}{R^2}\ \boldsymbol{\hat{r}} .\]

Cette accélération est dessinée à la Figure 1.

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Figure 1. Schéma du système Terre-Lune vu du haut montrant l’accélération gravitationnelle causée par la Lune (loin à droite sur le schéma) au centre de la Terre.

Accélération à la surface de la Terre

Considérons maintenant l’accélération gravitationnelle ressentie par l’eau sur la surface terrestre. Cette formulation est un peu plus complexe, on va donc commencer par considérer seulement les points qui s’alignent sur l’axe qui relie la Terre à la Lune, tel que montré à la Figure 2.

Si ces points se trouvent à une distance $\Delta r$ qui est relativement petite par rapport à $R$, alors l’accélération gravitationnelle à la surface s’écrit :

\[\boldsymbol{a}_\mathrm{surface} = -G\frac{M_L}{(R \pm \Delta r)^2}\ \boldsymbol{\hat{r}} ,\]

ce qu’on peut réécrire comme

\[\boldsymbol{a}_\mathrm{surface} = -G\frac{M_L}{R^2}\frac{1}{(1 \pm \Delta r/R)^2}\ \boldsymbol{\hat{r}} .\]

On reconnait l’expression de l’accélération ressentie au centre de la Terre au début de l’équation (5). Une expansion en série de MacLaurin permet d’approximer l’équation comme

\[\boldsymbol{a}_\mathrm{surface} = \left(-\frac{G M_L }{R^2} \pm \frac{2M_L\Delta r}{R^3} + \dots \right) \ \boldsymbol{\hat{r}} ,\]

ou encore

\[\boldsymbol{a}_\mathrm{surface} = \boldsymbol{a}_\mathrm{centre} \pm \frac{2M_L\Delta r}{R^3}\ \boldsymbol{\hat{r}} + \dots .\]

On peut négliger les termes suivants dans l’expansion en série, car $\Delta r \ll R$.

Cette équation est valide seulement pour les points le long de l’axe qui relie la Terre à la Lune. Notez comment l’accélération est plus grande quand on est du côté rapproché de la Lune, alors que l’accélération est plus faible quand on est sur la surface terrestre éloignée de la Lune (Figure 2). Cette différence est due à la variation en $1/r^3$ de l’accélération ressentie. Il y a donc un important gradient d’accélération entre la surface rapprochée et éloignée.

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Figure 2. Accélération gravitationnelle causée par la Lune sur la surface de la Terre à un point rapproché et un point éloigné du satellite.

On peut faire le développement complet pour n’importe quel point à la surface de la Terre (pas seulement sur l’axe) mais ce développement dépasse le cadre de ce cours. Pour vous donner une idée l’accélération en tout point de la surface est représentée à la Figure 3.

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Figure 3. Accélération gravitationnelle causée par la Lune partout sur la surface de la Terre.

Notez que la direction de l’accélération sur la surface terrestre pointe toujours vers le centre de la Lune. L’accélération est seulement perpendiculaire à la surface terrestre aux points qui se situent le long de l’axe qui relie la Terre et la Lune.

Accélération résiduelle

La force de marée est la différence entre l’accélération ressentie en surface et celle ressentie au centre de la Terre. On dit que c’est une force différentielle. Pourquoi? Parce que le mouvement des marées est relatif au mouvement de la Terre. Pensez-y, tout ce qui se déplace avec la Terre dans son référentiel est effectivement en chute libre avec celle-ci. Cependant, nos observations indiquent qu’à tout endroit sur Terre, la marée monte et descend deux fois par jour. Il y a donc nécessairement une force résiduelle qui fait bouger l’eau par rapport au sol.

On obtient l’accélération de marée en soustrayant l’accélération au centre de celle en surface :

\[\begin{align} \boldsymbol{a}_\mathrm{maree} & = \boldsymbol{a}_\mathrm{surface} - \boldsymbol{a}_\mathrm{centre} \\ & = \pm \frac{2M_L\Delta r}{R^3}\ \boldsymbol{\hat{r}}. \end{align}\]

En tenant compte de toutes les positions sur la surface de la Terre on obtiendrait le champ d’accélération dessinée à la Figure 4.

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Figure 4. Différence entre l’accélération gravitationnelle ressentie sur la surface terrestre et celle au centre de la Terre. Cette composante résiduelle de l’accélération gravitationnelle causée par la Lune explique le phénomène des marées sur Terre.

Notez que la différence entre les composantes du centre et de la surface fait ressortir une accélération vers l’extérieur de la Terre le long de l’axe Terre–Lune, alors qu’elle fait ressortir une accélération vers l’intérieur dans les directions perpendiculaires. Notez que l’asymétrie entre les régions rapprochées et éloignées de la Lune est toujours présente. Ce schéma explique pourquoi on observe un cycle de deux marées hautes par jour, même si la Terre ne fait qu’une seule rotation sur elle-même en 24 heures.

Simulation numérique

La déformation des océans à la surface de la Terre en fonction de la position de la Lune est illustrée à la Vidéo 1. Notez que la déformation est exagérée pour qu’elle soit bien visible. Cette simulation numérique est simplifiée et ne représente pas toutes les subtilités de la déformation des océans. De plus, les rayons de la Terre et de la Lune ont été amplifiés d’un facteur 10 par rapport à la distance qui les sépare pour faciliter la visualisation.

Vidéo 1. Animation montrant la déformation des océans causée par la force de marée.


Autres ressources

Limite de Roche

Remarquez que la force de marée sur l’axe Terre-Lune tente de disloquer la Terre en deux. Bien sûr, la force de marée exercée par la présence de la Lune n’est pas suffisante pour détruire notre planète. Cependant, il faut comprendre qu’une force qui varie en $1/r^3$ peut devenir très importante quand le satellite est relativement proche d’une masse importante. C’est ce qui explique que les satellites peuvent être détruits par la force de marée d’une planète. La distance limite à laquelle les satellites peuvent passer sans se briser est connue comme la limite de Roche. Voyez un exemple dans cette image spectaculaire de la comète Shoemaker-Levy 9 qui est partiellement détruite par les forces de marées lors de son passage à proximité de Jupiter.

Shoemaker-Levy

Liens externes


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Dernière modification : 2024-01-27 à 14:03:32.