2.1.3 Champ et potentiel gravitationnel


Champ gravitationnel

Définition

Soit une particule de masse $m$ immobile en un point de l’espace. Toutes les autres particules se trouvant autour de $m$ subissent une accélération. Tous les points $P$ de l’espace sont caractérisés par un vecteur accélération. À retenir :

  • La direction de chaque vecteur pointe vers $P$.
  • La norme de chaque vecteur est proportionnel à l’inverse de la distance au carré.

L’ensemble de ces vecteurs constitue le champ gravitationnel de la masse $m$. Le champ d’accélération gravitationnelle $\boldsymbol{g}$ est donné par la loi de l’attraction universelle :

\[\boldsymbol{g} = - \frac{Gm}{r^2}\ \boldsymbol{\hat{r}},\]

où $G$ est la constante gravitationnelle.

Conservation de l’énergie

La Vidéo 1 montre le mouvement d’une masse unitaire dans le champ gravitationnel d’une masse plus imposante, comme celle de la Terre, tel que calculé avec la loi de l’attraction universelle. Dans un système gravitationnel idéal et fermé, l’énergie totale doit être conservée et cette valeur reste constante.

Vidéo 1. Simulation numérique montrant l’énergie cinétique, potentielle et totale d’une masse unitaire (rouge) orbitant dans le champ gravitationnel de la Terre (bleu).

Illustration du champ

Cet exemple montre comment visualiser le concept de champ gravitationnel en 2D avec Python. Commençons par importer les modules numériques et graphiques et définir une fonction utile pour tracer le schéma.

import numpy as np
import matplotlib.pyplot as plt
import matplotlib.colors as colors
import matplotlib.patches as patches

def equal_aspect_plot(vmin=-1, vmax=1, figsize=(6, 5)):
    """Crée un gabarit pour dessiner le champ g."""
    fig, ax = plt.subplots(figsize=figsize)
    ax.set_xticklabels([])
    ax.set_yticklabels([])
    ax.set_xlim([vmin, vmax])
    ax.set_ylim([vmin, vmax])
    ax.set_aspect('equal')
    ax.plot([0], [0], 'ko')
    ax.annotate('$m$', (0.05, 0), va='center')
    return fig, ax

Il faut ensuite définir une fonction pour calculer le champ gravitationnel. Pour tracer le champ sur des coordonnées cartésiennes il faut convertir l’équation (1) en ses composantes $\boldsymbol{\hat{x}}$ et $\boldsymbol{\hat{y}}$ :

\[\boldsymbol{g} = - \frac{Gm}{x^2 + y^2} \left( \cos\theta\ \boldsymbol{\hat{x}} + \sin\theta\ \boldsymbol{\hat{y}} \right).\]

Ça se traduit numériquement par :

G = 6.67408e-11  # m^3 kg^-1 s^-2

def champ_g(x, y, m=1):
    """Retourne g pour une masse quelconque."""
    r = np.sqrt(x*x + y*y)
    theta = np.arctan2(y, x)
    r[r < 0.2] = np.nan  # évite division par 0
    F = -G*m/r**2        
    return F*np.cos(theta), F*np.sin(theta)  # gx, gy

Notez qu’une masse de $m=1$ kg est utilisée pour simplifier les calculs. Il faut aussi faire attention de ne pas calculer $\boldsymbol{g}$ pour les régions très près de $m$ parce que l’accélération varie en $1/r^2$.

Il ne reste plus qu’à définir une grille cartésienne uniforme et à calculer l’accélération $\boldsymbol{g}$ partout sur celle-ci (Figure 1).

# Préparer une grille
x = np.linspace(-1, 1, 10)
y = np.linspace(-1, 1, 10)
X, Y = np.meshgrid(x, y)
# Calcul de g sur la grille
gx, gy = champ_g(X, Y)  
# Tracer le gabarit
fig, ax = equal_aspect_plot()
# On ajoute les flèches du champ g
arrows = ax.quiver(X, Y, 
                   gx/np.sqrt(gx**2 + gy**2), 
                   gy/np.sqrt(gx**2 + gy**2), 
                   np.sqrt(gx**2 + gy**2), 
                   cmap='binary', width=0.01, scale=10)
plt.colorbar(arrows, label=r'$g$ (m/s$^2$)')
plt.show()

svg

Figure 1. Champ vectoriel de l’accélération $\boldsymbol{g}$ causée par la masse $m$.

Le champ est défini partout autour de $m$ selon la couleur et l’orientation des flèches. Remarquez que pour n’importe quelle distance constante du centre on se retrouve sur une surface où la gravité est la même. On appelle ces surfaces les équipotentielles.


Potentiel gravitationnel

Définition

Un corps qui se déplace dans un champ gravitationnel et qui revient à son point de départ a un bilan énergétique nul. Au total il a gagné autant d’énergie qu’il a perdu pendant son parcours. En effet le champ gravitationnel est un champ conservatif, c’est-à-dire que le travail requit pour déplacer une masse dans ce champ est indépendant du chemin parcouru.

Une propriété des champs conservatif est qu’ils peuvent être exprimés comme le gradient d’un potentiel scalaire $U$, tel que

\[-\nabla U =\boldsymbol{g}.\]
Rappel 
$\nabla U = \frac{\partial U}{\partial x}\boldsymbol{\hat{x}} + \frac{\partial U}{\partial y}\boldsymbol{\hat{y}} + \frac{\partial U}{\partial z}\boldsymbol{\hat{z}}$.

Soit une masse ponctuelle $m$ située à l’origine. On s’intéresse au potentiel de $m$ évalué à la position représentée par le vecteur $\boldsymbol{r}$, qui est à une distance $r$ de $m$, tel que montré à la Figure 2.

svg

Figure 2. Schéma montrant un point situé à une position $\boldsymbol{r}$ par rapport à une masse $m$. Un élément du chemin à parcourir pour amener une masse unitaire de l’infini jusqu’à $\boldsymbol{r}$ est illustré. Le vecteur unitaire radial ($\boldsymbol{\hat{r}}’$) et le vecteur unitaire polaire ($\boldsymbol{\hat{\theta}}$) sont identifiés.

Le potentiel de $m$ est le travail requis pour amener une autre masse unitaire de l’infini jusqu’au point $\boldsymbol{r}$, le long d’un chemin quelconque $\boldsymbol{l}$.

\[U(r) = - \int_\infty^{r} \boldsymbol{g}(\boldsymbol{l})\cdot \mathrm{d}\boldsymbol{l}.\]

Si $\boldsymbol{\hat{r}}’$ est le vecteur unitaire qui pointe dans la direction radiale et $\boldsymbol{\hat{\theta}}$ est le vecteur unitaire de l’angle polaire, alors

\[\mathrm{d}\boldsymbol{l} = \mathrm{d}s\,\boldsymbol{\hat{r}}' + r'\,\mathrm{d}\theta\,\boldsymbol{\hat{\theta}} .\]

La composante du chemin en $\boldsymbol{\hat{\theta}}$ ne contribue pas au travail parce que $\boldsymbol{g}$ est partout perpendiculaire à $\boldsymbol{\hat{\theta}}$. De plus, $\boldsymbol{g}$ est partout parallèle à la direction $\boldsymbol{\hat{s}}$ donc on peut réécrire le potentiel comme

\[U(r) = Gm \int_\infty^r \frac{\mathrm{d}r'}{r'^2}\]

et l’intégrale se résout par

\[U(r) = -\frac{Gm}{r}.\]

Le potentiel gravitationnel est inversement proportionnel à la distance $r$. On va visualiser le potentiel gravitationnel comme on l’a fait pour le champ gravitationnel.

Illustration du potentiel

On comprend mieux la signification de l’équation (3) et du potentiel gravitationnel $U$ quand on le trace en relation avec $\boldsymbol{g}$. Dans cet exemple on va reprendre le graphique du champ dessiné plus haut et ajouter une représentation du potentiel. La fonction suivante sert à calculer le potentiel sur une grille.

def potentiel_g(x, y, m=1):
    """Retourne le potentiel gravitationnel
    pour une paire de coordonnées (x, y)"""
    r = np.sqrt(x**2 + y**2)
    r[r == 0] = np.nan  # évite division par 0
    return -G*m/r

On trace ensuite le potentiel sur la même illustration pour le comparer à $\boldsymbol{g}$ (Figure 3).

fig, ax = equal_aspect_plot()
# On remet les flèches du champ g
arrows = ax.quiver(X, Y, 
                   gx/np.sqrt(gx**2 + gy**2), 
                   gy/np.sqrt(gx**2 + gy**2), 
                   np.sqrt(gx**2 + gy**2), 
                   cmap='binary', width=0.005, scale=10)
# Nouvelle grille plus fine pour le potentiel
xu, yu = np.linspace(-1, 1), np.linspace(-1, 1)
XX, YY = np.meshgrid(xu, yu)
# Calculer le potentiel sur la grille
U = potentiel_g(XX, YY)
# Tracer le potentiel avec une carte de contour
contours = ax.contourf(XX, YY, U, cmap='viridis_r', 
                       norm=colors.PowerNorm(gamma=4),
                       levels=25,
                       zorder=0, alpha=1)
# Ajouter une barre de couleurs
plt.colorbar(contours, label=r'$U$ (J/kg)')
plt.show()

svg

Figure 3. Illustration du champ $\boldsymbol{g}$ (flèches) et de sa relation avec le potentiel gravitationnel $U$.

On voit bien que le potentiel est perpendiculaire au champ en tout point. Pourquoi le potentiel est-il négatif? Parce qu’il représente un “creux” vers lequel les masses avoisinantes de $m$ veulent naturellement glisser. Toutes les choses dans la nature veulent être dans un état de repos maximal, les masses autour de $m$ veulent donc perdre leur énergie potentielle et aller se coller à elle.

Distributions de masse

Le potentiel est additif à cause du principe de superposition. Si une distribution de masse est une collection finie de $N$ masses ponctuelles, et si les masses ponctuelles sont situées aux coordonnées $r’_1, \dots, r’_N$ et ont des masses $m_1, \dots, m_N$, alors le potentiel de la distribution au point $\boldsymbol{r}$ est

\[U(\boldsymbol{r}) = -G \sum_{i}^N \frac{m_i}{|\boldsymbol{r} - \boldsymbol{r}_i'|} .\]

Il en découle que pour une distribution de masse continue dans un volume $V$ et dont la densité volumique de masse est $\rho$, le potentiel au point $\boldsymbol{r}$ causé par chaque élément de volume situé à $\boldsymbol{r}’$ est

\[U(\boldsymbol{r}) = -G \int_V \frac{\rho(\boldsymbol{r}')}{\vert\boldsymbol{r} - \boldsymbol{r}'\vert}\,\mathrm{d}V(\boldsymbol{r}'),\]

car $\mathrm{d}m(\boldsymbol{r}’)= \rho(\boldsymbol{r}’)\,\mathrm{d}V(\boldsymbol{r}’)$.

L’équation 9 se résout pour des géométries relativement simples, mais vous constaterez qu’elle devient très compliquée pour des géométries arbitraires. On discutera plus en détail du principe de superposition et on verra plusieurs stratégies pour calculer le potentiel gravitationnel de corps complexes dans les sections sur la modélisation gravimétrique.


Équation de Laplace

Le champ gravitationnel est un champ de potentiel, c’est-à-dire que $U$ respecte l’équation de Laplace partout à l’extérieur des distributions de masse :

\[\nabla^2 U= \frac{\partial^2 U}{\partial x^2} + \frac{\partial^2 U}{\partial y^2} + \frac{\partial^2 U}{\partial z^2} = 0 .\]

Comme on mesure seulement la composante verticale de la gravité en gravimétrie, l’équation (3) devient

\[-\nabla U = -\frac{\partial U}{\partial z}\boldsymbol{\hat{z}} = g_z\boldsymbol{\hat{z}},\]

ce qui fait en sorte que le dernier terme à gauche dans l’équation de Laplace correspond en fait à $\partial g_z/\partial z$, donc

\[\frac{\partial^2 U}{\partial x^2} + \frac{\partial^2 U}{\partial y^2} - \frac{\partial g_z}{\partial z} = 0 .\]

En dérivant chaque côté de l’équation de Laplace par rapport à $z$ on trouve que

\[\frac{\partial}{\partial z}\left( \frac{\partial^2 U}{\partial x^2} + \frac{\partial^2 U}{\partial y^2} - \frac{\partial g_z}{\partial z} \right)= 0\]

et donc

\[\left( \frac{\partial^2}{\partial x^2}\frac{\partial U}{\partial z} + \frac{\partial^2}{\partial y^2}\frac{\partial U}{\partial z} - \frac{\partial^2 g_z}{\partial z^2} \right)= 0 ,\]

parce que l’opération de dérivation est linéaire et commutative.

Avec $-\frac{\partial U}{\partial z} = g_z$ on obtient finalement

\[\frac{\partial^2 g_z}{\partial x^2} + \frac{\partial^2 g_z}{\partial y^2} + \frac{\partial^2 g_z}{\partial z^2} = 0 .\]

Ce résultat est extrêmement important en gravimétrie [1] parce qu’il implique que la composante verticale de la gravité respecte l’équation de Laplace, tout comme $U$. On se servira de l’équation (15) dans le Chapitre 3 pour calculer les dérivées spatiales des signaux géophysiques avec une opération de filtrage.


Autres ressources

Le concept de potentiel gravitationnel devient plus intuitif quand on le visualise de cette façon :


Références

  1. Tsuboi, C., & Kato, M. (1952). The First and Second Vertical Derivatives of Gravity. Journal of Physics of the Earth, 1(2), 95-96.

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© 2020–2024 Charles L. Bérubé
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Dernière modification : 2024-01-27 à 13:26:05.