4.4.3 Méthode de la demi-pente de Peters


Définition

La méthode de la demi-pente de Peters (1949) est une méthode simple pour estimer la profondeur d’un objet magnétique enfoui dans le sol. Il s’agit d’une méthode graphique, c’est-à-dire qu’elle repose sur une analyse de la forme de l’anomalie de champ total mesurée à la surface. Idéalement, on veut appliquer cette méthode après avoir effectué l’opération de réduction au pôle.

Les quatre étapes de la méthode de Peters se résument ainsi:

  1. Trouver la pente maximale de l’anomalie (celle au point d’inflexion).
  2. Diviser cette pente par deux et tracer une ligne de la demi-pente.
  3. Trouver les points où la demi-pente trouvée est tangentielle à l’anomalie.
  4. Mesurer la distance $d$ entre ces deux points.

On obtient ensuite la profondeur approximative du corps magnétique avec

\[z' = \frac{d\cos\alpha}{n} ,\]

où $1.2 \leq n \leq 2.0$ et $\alpha$ est l’angle entre la normale de la frappe (strike, en anglais) du corps et l’orientation du profil. Ici on supposera $\alpha = 0^\circ$, car les profils sont tracés perpendiculairement à la frappe des corps et parce qu’on suppose qu’une réduction au pôle a déjà été effectuée. Il n’existe pas de règle exacte pour déterminer la valeur de $n$ à utiliser. Cependant, Peters (1949) mentionne que $n\to1.2$ lorsque le corps magnétique est très étroit par rapport à sa profondeur. À l’inverse, $n\to2.0$ lorsque le corps magnétique est très large par rapport à sa profondeur.

Les sections suivantes décrivent comment estimer la profondeur de trois exemples de corps magnétiques avec des ratios largeur / profondeur différents :

  1. un dyke vertical (largeur/profondeur « 1),
  2. une intrusion plutonique (largeur/profondeur » 1),
  3. et une munition explosive non explosée qui aurait la forme d’une sphère (dipôle).

Applications

Dans tous les exemples suivants, l’amplitude du champ magnétique primaire est 55 000 nT, son inclinaison est 90$^\circ$ et sa déclinaison est 0$^\circ$. Les paramètres du champ sont définis dans l’extrait de code suivant :

# Définition des paramètres du champ primaire
C_m = 1e-7  # constante
mu_0 = np.pi*4e-7  # perméabilité du vide
I = 90  # inclinaison en degrés
D = 0  # déclinaison en degrés
F = 55000  # amplitude en nT

On aura aussi besoin de la courte fonction suivante pour trouver les points les plus près d’une valeur sur une courbe donnée.

def find_nearest(array, value):
    """Retourne les indices d'un vecteur les plus près d'une valeur donnée."""
    idx = np.argsort(np.abs(array - value))
    return idx

Exemple 1 : Dyke vertical

Paramétrisation pétrophysique

Soit un dyke mafique vertical dont la susceptibilité magnétique est 0.05 SI. On peut modéliser le dyke comme une collection de blocs dont les réponses individuelles sont approximées par des dipôles. Pour cet exemple, on fixe la profondeur du corps à 10 m, sa largeur à 5 m et le volume de chaque bloc qui compose le dyke à 1 m$^3$. Les paramètres du problèmes sont définis dans l’extrait de code suivant.

# Définir les paramètres du corps et de son aimantation
chi = 0.05  # susceptibilité magn
v = 1  # volume
m = chi*F*v/mu_0  # moment dipolaire
m_chapeau = calculer_direction_m(I, D)  # \hat{m}
# Définir les emplacements des dipoles 
# qui approximent un dyke vertical de 5 m large
# et d'extensions infinies en y et z
x0 = np.arange(-2, 3, 1)  # le dyke fait 5 m de largeur dans la direction x
y0 = np.arange(-100, 101, 1)  # le dyke s'étend sur 200 m dans la direction y
z0 = np.arange(10, 101, 1)  # le dyke commence à 10 m de profond et s'étend jusqu'à 100 m 
x0y0z0 = np.stack(np.meshgrid(x0, y0, z0), -1).reshape(-1, 3)  # shape: (len(x0)*len(y0)*len(z0), 3)
# Définir les coordonnées de chaque station sur le profil dans la direction x
xs = np.arange(-40, 41, 1)  # m

La fonction calculer_direction_m() est documentée sur la page des fonctions utiles.

Calcul de la réponse magnétique du dyke

On calcule maintenant la réponse du corps magnétique sur tous les points du profil avec l’extrait de code suivant.

# On calcule la réponse sur tous les points du profil
# et on utilise le principe de superposition pour sommer 
# les contributions de tous les blocs formant le dyke.
ts = np.zeros(len(xs))  # pour accueillir les résultats
for i, x_i in enumerate(xs):  # boucle sur les stations du profil
    for (x, y, z) in x0y0z0:
        J = calculer_J(x_i-x, y, z)  # la matrice hessienne du champ dipolaire
        dF = C_m * np.dot(m * m_chapeau, J)  # m*J
        dT = np.dot(dF, m_chapeau)  # projection sur F
        ts[i] += dT  # principe de superposition

La fonction calculer_J() et sa documentation sont disponibles sur la page des fonctions utiles. L’anomalie de champ total causée par le dyke magnétique est présentée à la Figure 1.

svg

Figure 1. Anomalie du champ magnétique causée par la présence d’un dyke vertical situé à $x=0$.

Estimation de la profondeur du dyke

La Figure 2 illustre comment appliquer la méthode de la demi-pente de Peters pour estimer la profondeur du dyke. L’extrait de code suivant montre comment calculer les pentes pour estimer la valeur de $d$.

svg

Figure 2. Illustration de la méthode de la demi-pente de Peters pour estimer la profondeur du toit d’un dyke vertical. Les quatres étapes sont identifiées dans la légende.

Une valeur de $n=1.2$ serait appropriée pour estimer la profondeur ($z’$) du dyke dans cet exemple parce qu’ici la largeur du dyke est fixée à 5 m et sa profondeur à 10 m, ce qui donne un ratio largeur/profondeur de seulement 0.5.

\[z' = \frac{12\cos(0)}{1.2} = 10\ \mathrm{m}.\]

On retrouve bien la profondeur du toit du dyke tel que modélisé pour cet exemple.

Exemple 2 : Intrusion plutonique

On paramétrisera le pluton comme une masse de susceptibilité magnétique égale à 0.1 SI de 1.5 km par 2 km. La masse se trouve à 100 m sous la surface du sol et s’étend à 10 km vers le bas (épaisseur considérée infinie). Les paramètres du problème sont définis dans l’extrait de code suivant.

# Définir les coordonnées des stations du profil sur l'axe des x
xs = np.arange(-2000, 2000, 50)  # m
# Définir les emplacements des dipoles 
# qui approximent le pluton
x0 = np.arange(-1000, 550, 50)  # le pluton fait 1500 m de largeur dans la direction x
y0 = np.arange(-1000, 1050, 50)  # le pluton s'étend sur 2000 m dans la direction y
z0 = np.arange(100, 2500, 50)  # le pluton commence à 100 m de profond et s'étend jusqu'à 2000 m 
x0y0z0 = np.stack(np.meshgrid(x0, y0, z0), -1).reshape(-1, 3)  # shape: (len(x0)*len(y0)*len(z0), 3)
# Définir les paramètres du corps et de son aimantation
chi = 0.1  # susceptibilité magn
v = 50*50*50  # chaque bloc fait 50x50x50 m
m = chi*F*v/mu_0  # moment dipolaire
m_chapeau = calculer_direction_m(I, D)  # \hat{m}

La Figure 3 illustre comment appliquer la méthode de Peters pour estimer la profondeur du pluton.

svg

Figure 3. Application de la méthode de Peters pour estimer la profondeur d’une intrusion plutonique à partir de son anomalie magnétique.

La méthode de Peters donne $d=200$ m. Dans cet exemple, la largeur du pluton est fixée à 1500 m et sa profondeur à 100 m (ratio largeur/profondeur égal à 15). Une valeur de $n=2$ serait appropriée pour estimer la profondeur ($z’$) de l’intrusion plutonique.

\[z' = \frac{200\cos(0)}{2} = 100\ \mathrm{m}.\]

On retrouve bien la profondeur de l’intrusion plutonique modélisé dans cet exemple.

Exemple 3 : Munition explosive non explosée

On peut paramétriser une munition explosive non explosée (UXO) comme une sphère de susceptibilité magnétique égale à 1 SI et de volume égal à 1 m$^3$. La réponse d’une sphère est la même que celle d’un dipôle placé en son centre. Les paramètres du problème sont définis dans l’extrait de code suivant.

# Définir les coordonnées du profil sur l'axe des x
xs = np.arange(-10, 11, 0.001)  # m
# Définir l'emplacement du dipole
# qui approxime une UXO de volume unitaire
x0 = np.zeros(1)  # l'UXO est situé à x = 0
y0 = np.zeros(1)  # l'UXO est situé à y = 0
z0 = 4*np.ones(1)  # l'UXO est situé à une profondeur de 4 m
x0y0z0 = np.stack(np.meshgrid(x0, y0, z0), -1).reshape(-1, 3)  # shape: (len(x0)*len(y0)*len(z0), 3)
# Définir les paramètres du corps et de son aimantation
chi = 1  # susceptibilité magn
v = 1  # volume
m = chi*F*v/mu_0  # moment dipolaire
m_chapeau = calculer_direction_m(I, D)  # \hat{m}

La Figure 4 illustre comment appliquer la méthode de Peters pour estimer la profondeur de l’UXO.

svg

Figure 4. Application de la méthode de Peters pour estimer la profondeur d’une UXO à partir de son anomalie magnétique.

La méthode de Peters donne $d=2.8$ m. Dans cet exemple, la profondeur de l’UXO est fixée à 4 m. Une valeur de $n=0.7$ est appropriée pour estimer la profondeur ($z’$) de l’intrusion plutonique.

\[z' = \frac{2.8\cos(0)}{0.7} = 4\ \mathrm{m}.\]

On retrouve bien la profondeur de modélisé dans cet exemple. Toutefois, la valeur de $n=0.7$ est hors de l’intervalle $1.2 \leq n \leq 2.0$ donné par Peters (1949). C’est parce que cette méthode est normalement appliquée à des corps avec une extension infinie vers le bas comme des dykes, des intrusions, ou pour estimer l’épaisseur du mort-terrain au-dessus d’une roche magnétique. Ici, nous avons modélisé l’UXO comme une source ponctuelle (dipôle). Dans le cas d’un dipôle, il est plus simple d’utiliser la méthode de la pleine largeur à mi-hauteur vue dans la section sur les règles d’interprétation simples.


Références

  • Peters, L. J. (1949). The direct approach to magnetic interpretation and its practical application. Geophysics 14, 290–320. DOI : 10.1190/1.1437537
  • Reynolds, J. M. (2011). An introduction to applied and environmental geophysics. Hoboken NJ : Wiley-Blackwell.

Retour en haut

© 2020–2024 Charles L. Bérubé
Polytechnique Montréal

Dernière modification : 2024-01-27 à 14:23:40.