3.1 Transformation de Fourier : rappels


Applications

Vous êtes probablement déjà familiers avec la transformation de Fourier après avoir suivi des cours de calcul ou de mécanique des ondes et vibrations. La transformation de Fourier, inventée par le physicien et mathématicien français Joseph Fourier au 18e siècle, est un outil mathématique révolutionnaire que vous utilisez probablement chaque jour sans nécessairement vous en rendre compte.

En effet, les algorithmes de compression pour les images jpeg ou les fichiers audios mp3, la technologie WiFi et les appels téléphoniques utilisent tous des produits de la transformation de Fourier. Celle-ci permet de faire une analyse spectrale des signaux en les décomposant en une série d’ingrédients qui les constituent. Une application évidente de la transformation de Fourier est le traitement des signaux et des images, entre autres (Figure 1). Ça tombe bien parce que les profilages et les sondages géophysiques servent à mesurer des signaux en 1D, 2D ou même 3D parfois.

Dans cette section on fera un rappel des concepts entourant la transformation de Fourier et pourquoi celle-ci est utile en géophysique appliquée. Avant d’entrer dans la définition mathématique de la transformation de Fourier on fera d’abord une analogie musicale pour définir cet outil de façon un peu plus intuitive.

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Figure 1. La transformation de Fourier n’est pas seulement un concept théorique. Source : XKCD.


Définition intuitive

Supposons qu’un pianiste joue en même temps les trois notes suivantes : do (132 Hz), mi (165 Hz) et sol (198 Hz). Notre oreille entend la somme des trois notes : l’accord do majeur. Les trois vibrations individuelles et leur somme sont dessinées à la Figure 2.

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Figure 2. Ondes sonores qui composent l’accord do majeur.

À première vue l’accord semble être un patron d’oscillation assez complexe. Pourtant il finit par se répéter, car il est constitué de seulement trois notes simples dont on connait la forme exacte. En termes de transformée de Fourier, les trois notes individuelles sont les composantes de l’accord, qui constitue un signal. Les composantes peuvent avoir différentes amplitudes et différentes fréquences.

La transformée de Fourier est un outil qui permet de décomposer un signal en ses différentes composantes. C’est un peu comme un prisme qui laisse entrer la lumière blanche (la somme de toutes les longueurs d’ondes) et qui sépare ce signal en ses différentes composantes (les couleurs), mais de façon mathématique. La transformée de Fourier permet de passer du domaine temporel/spatial au domaine fréquentiel/spectral. La transformée inverse permet de faire… l’inverse.

Domaine temporel/spatial

Une oscillation est souvent définie dans le domaine du temps et de l’espace. C’est habituellement la forme de l’onde qu’on peut observer. Par exemple, la note la plus grave sur un piano (la) crée une onde mécanique qui oscille à une fréquence de 27.5 Hz (27.5 fois par seconde) et possède une longueur d’onde spatiale de 12.374 m. Il peut être assez difficile de décrire un signal complexe dans ce domaine (voir l’accord sur la Figure 2).

Domaine fréquentiel/spectral

Il est plus facile de décrire un signal dans le domaine fréquentiel : c’est-à-dire en décrivant la gamme complète des fréquences et de leurs contributions individuelles relatives dans la composition du signal. La gamme de contribution en fonction de la fréquence constitue le spectre du signal.

⚠️ Attention, on utilise le terme domaine fréquentiel quand le signal d’entrée est temporel et le terme domaine spectral quand le signal d’entrée est spatial. Les quantités dans le domaine fréquentiel sont exprimées en Hz (équivalent à s$^{-1}$) et celles dans le domaine spectral en m$^{-1}$.

Reprenons l’exemple de l’accord do majeur et sa transformée de Fourier, qui est montrée à la Figure 3.

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Figure 3. Schéma conceptuel des domaines temporel et fréquentiel (gauche) et spectre d’amplitude de l’accord do majeur (droite).

Une vue transversale du spectre de l’accord do majeur est montré dans la partie droite. On remarque que les composantes qui contribuent le plus au signal total sont les fréquences avoisinantes de 130, 165 et 200 Hz, qui correspondent respectivement aux notes do, mi et sol. Notez que les pics se trouvent à des fréquences approximatives, car le spectre a été discrétisé en faisant des bonds de 5 Hz pour alléger l’illustration. Si on avait discrétisé le spectre avec bonds de 1 Hz on verrait les pics exactement au bon endroit.


Définition mathématique

Transformation continue

La transformation de Fourier (dénotée $\mathcal{F}$) est une opération qui transforme une fonction intégrable sur $\mathbb{R}$ en une autre fonction, décrivant le spectre fréquentiel de cette dernière. Si $f$ est une fonction intégrable sur $\mathbb{R}$, sa transformée de Fourier est la fonction $\mathcal{F}(f) = \hat{f}$ donnée par la formule :

\[\mathcal{F}(f) : \nu \to \hat{f}(\nu) = \frac{1}{\sqrt{2\pi}} \int_{-\infty}^{+\infty} f(t)e^{-i2\pi\nu t} dt,\]

où $t$ est en secondes et $\nu$ est la fréquence exprimée en Hz. On dit que $f$ est dans le domaine temporel et que $\hat{f}$ est la fonction dans le domaine fréquentiel.

Par convention quand on applique la transformation de Fourier sur un signal spatial (au lieu de temporel), on remplace la variable $t$ par $x$ et la variable $\nu$ par $k$ :

\[\mathcal{F}(f) : k \to \hat{f}(k) = \frac{1}{\sqrt{2\pi}} \int_{-\infty}^{+\infty} f(x)e^{-i2\pi k x} dx .\]

Transformation discrète

La transformation de Fourier continue n’est pas très utile pour analyser des signaux complexes quand l’intégrale n’a pas de solution analytique fermée. La transformation de Fourier discrète est une alternative qui permet d’analyser les signaux numériques (discrétisés). La plupart des langages de programmation modernes implémentent un algorithme de transformation de Fourier rapide.

Soit un signal $s(\boldsymbol{n})$ composés de $N$ échantillons et défini dans le domaine spatial. La transformation de Fourier discrète, dénotée $\hat{s}(\boldsymbol{k})$, de ce signal est

\[\hat{s}(\boldsymbol{k}) = \frac{1}{\sqrt{N}}\sum_{n=0}^{N-1} s(n)\exp{(-2i\pi \boldsymbol{k}n/N)} ,\]

où $\boldsymbol{k} = [0, 1, 2, \dots, N-1]$.

La transformation de Fourier discrète inverse est donnée par

\[s(\boldsymbol{n}) = \frac{1}{\sqrt{N}}\sum_{k=0}^{N-1} \hat{s}(k)\exp{(2i\pi \boldsymbol{n}k/N)} ,\]

où $\boldsymbol{n} = [0, 1, 2, \dots, N-1]$.

$\hat{s}(\boldsymbol{k})$ est une représentation spectrale discrète du signal échantillonné.

Transformation discrète en 2D

La transformation de Fourier discrète se généralise à plusieurs dimensions, ce qui est très utile dans le traitement des images ou des cartes géophysiques. La transformation 2D est donnée par

\[\hat{s}(k,l) = \sum_{m=0}^{M-1}\sum_{n=0}^{N-1} s(m,n)\exp{\left[-2i\pi\left(\frac{k m}{M} + \frac{l n}{N} \right)\right]} ,\]

avec la transformation inverse donnée par

\[s(m,n) = \frac{1}{MN} \sum_{m=0}^{M-1}\sum_{n=0}^{N-1} \hat{s}(k,l) \exp{\left[2i\pi\left(\frac{k m}{M} + \frac{l n}{N} \right)\right]} .\]

Propriétés de $\mathcal{F}(f)$

La transformation de Fourier d’une fonction est un nombre complexe, c’est-à-dire qu’on peut l’exprimer comme la somme de ses parties réelles et imaginaires :

\[\hat{f} = \textrm{Re}(\hat{f}) + i\ \textrm{Im}(\hat{f}) ,\]

ou en termes d’amplitude et de déphasage :

\[\hat{f} = \vert\hat{f}\vert e^{-i\phi} ,\]

où l’amplitude est

\[\vert\hat{f}\vert = \sqrt{\textrm{Re}(\hat{f})^2 + \textrm{Im}(\hat{f})^2} ,\]

et le déphasage est

\[\phi = \arctan\left({\frac{\textrm{Im}(\hat{f})}{\textrm{Re}(\hat{f})}}\right) .\]

Le spectre de puissance est une autre quantité qui s’avère utile :

\[\vert P\vert = \vert\hat{f}\vert^2 .\]

Une propriété importante de la transformation de Fourier en géophysique est celle de différentiation :

\[\mathcal{F} \left\{ \frac{\partial^n f(\boldsymbol{x})}{\partial x_j^n} \right\} = (ik_j)^n \cdot \hat{f}(\boldsymbol{k}) .\]

Plus de propriétés des transformations de Fourier sont données dans les ressources à la fin de cette page. Ces propriétés s’appliquent autant à la transformation continue qu’à la transformation discrète (parfois sous quelques approximations).

Théorème de convolution

Le produit de convolution (dénotée avec l’opérateur $*$) est une opération mathématique qui décrit comment la forme d’une fonction $f$ est modifiée par une deuxième fonction $g$. Le produit de convolution de $f$ et $g$ est défini comme suit :

\[(f * g)(x) = \int_{-\infty}^{+\infty} f(x-k)\cdot g(k)\ dk .\]

Le théorème de convolution dit que

\[\mathcal{F}\{f*g\} = \mathcal{F}\{f\}\cdot\mathcal{F}\{g\} ,\]

ou encore

\[f*g = \mathcal{F}^{-1}[\mathcal{F}\{f\}\cdot\mathcal{F}\{g\}]\]

En d’autres mots, la transformation de Fourier du produit de convolution $f*g$ est égale à la transformation inverse du produit des transformations directes individuelles des fonctions $f$ et $g$. Ce théorème a des répercussions importantes en traitement de signal, car il implique qu’on peut filtrer un signal en le multipliant par la transformation de Fourier du filtre, tant que celui-ci soit linéaire et indépendant du signal. Ce théorème prend une forme analogue pour la transformation de Fourier discrète et ce généralise à plusieurs dimensions. On discutera un peu plus de la signification d’un produit de convolution dans les prochaines sections.

Autres ressources


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Dernière modification : 2024-01-27 à 14:09:52.