2.3.3 Correction d’altitude


Définition

La correction d’altitude sert à corriger les changements d’accélération gravitationnelle causés par des changements d’altitudes du gravimètre.

Justification

Soit $P_0$ un point de référence situé sur une équipotentielle à une distance $r_0$ du centre de la Terre tel que montré à la Figure 1A.

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Figure 1. (A) Point de référence $P$ à une distance $r$ du centre de la Terre. (B) Le point $P’$ est à une distance $r+h$ du centre de la Terre.

On sait que la norme de la composante radiale de l’accélération gravitationnelle au point $P$ est donnée par

\[g(P_0) = \frac{Gm}{r_0^2},\]

où $G$ est la constante gravitationnelle et $m$ la masse de la Terre.

On s’intéresse à l’effet qu’ont les variations d’altitude sur les mesures gravimétriques réalisées dans la région du point $P$. Supposons qu’on place maintenant le gravimètre à un point $P’$ qui se trouve à une hauteur $h$ par rapport au point de référence, tel que montré sur la Figure 1B. Le point $P’$ est à une distance $r’ = r + h$ du centre de la Terre, la composante radiale de l’accélération gravitationnelle est donc

\[\begin{align} g(P) & = \frac{Gm}{(r_0 + h)^2} \\ & = \frac{Gm}{r_0^2 + 2hr_0 +h^2}, \end{align}\]

qu’on peut réécrire comme

\[g(P) = \frac{Gm}{r_0^2}\frac{1}{(1 + 2(h/r_0) + (h/r_0)^2 )}.\]

En général, les variations d’altitudes qui sont associées à un levé gravimétrique sont petites par rapport au rayon de la Terre ($r_0 \gg h$). Dans ce cas on peut utiliser une expansion en série de Taylor pour simplifier l’équation (4) à

\[g(P) = \frac{Gm}{r_0^2}(1 − 2h/r_0) ,\]

en gardant seulement les deux premiers termes de la série.

On reconnait l’équation (1) dans l’équation (5), on peut donc réécrire cette dernière comme

\[g(P) = g(P_0)(1 − 2h/r_0).\]

Finalement, la différence d’accélération $\Delta g$ mesurée entre les points $P_0$ et $P$ est

\[\begin{align} \Delta g & = g(P) - g(P_0) \\ & = - \frac{2 g(P_0)}{r_0} h, \end{align}\]

ce qui dépend seulement de $h$ :

\[\Delta g = -\frac{2Gm}{r_0^3} h.\]

On remarque que $\Delta g$ est négatif lorsque $h$ est positif, car l’accélération gravitationnelle diminue lorsqu’on s’éloigne du centre de la Terre. La correction d’altitude à apporter aux données doit donc être de signe opposé pour compenser cet effet.

Connaissant la masse et le rayon moyen de la Terre, la correction d’altitude s’approxime par

$$\Delta g_\mathrm{A} = 3.083\times10^{-6} h.$$

Forme générale

Notez bien que $h$ peut être positif ou négatif, selon le choix de l’altitude de référence pour le levé gravimétrique et le système de coordonnées utilisé. Avec des coordonnées polaires il peut être utile d’écrire la correction d’altitude de façon plus générale avec

\[\Delta g_\mathrm{A} = \frac{2Gm}{r_0^3}(r - r_0).\]

Visualisation

La Vidéo 1 illustre la variation de la gravité en fonction de l’altitude lorsqu’on grimpe une montagne, puis descend dans une vallée.

Vidéo 1. Simulation de l’accélération gravitationnelle à la surface de la Terre en fonction de l’altitude.

Lorsqu’on monte en altitude, la gravité diminue, et vice-versa. Il faut tenir compte de cet effet pour corriger les lectures de gravité faites à des altitudes variables.


Exemple : gravimétrie aéroportée

Problématique

On a réalisé un levé gravimétrique aéroporté pour améliorer la cartographie des formations de fer dans une région avec relativement peu de topographie. Cependant, l’altimètre au laser du pilote a fait défaut pendant les mesures sur la ligne 0E+100 et le pilote a tenté de maintenir son altitude constante avec un appareil beaucoup moins précis. On remarque en effet lors du traitement des données que l’altitude de l’avion a suivi un parcours sinusoïdal le long de la ligne 0E+100, tel que montré à la Figure 2.

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Figure 2. Altitude de la trajectoire de vol du levé gravimétrique aéroporté.

Les variations d’altitude ont une amplitude d’au plus 1 mètre, ce qui ne semble par très important a priori. Cependant on va démontrer avec cet exemple que cette variation est loin d’être négligeable.

La première colonne dans le fichier gravi_aero.txt correspond à la position des points de mesures le long de l’axe $x$ (en m) et la deuxième colonne correspond à l’altitude (en m). La troisième colonne contient les données gravimétriques $g_z$ (m/s$^2$). Les données gravimétriques, qui ont préalablement été corrigées pour tout autres effets, ressemblent au profil montré à la Figure 3.

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Figure 3. Signal de l’accélération gravimétrique tel que mesuré en vol. Les variations d’altitudes dominent la réponse gravimétrique.

On remarque immédiatement que ce signal est fortement affecté par les variations d’altitudes, car il adopte une forme sinusoïdale comme la trajectoire de vol de l’avion. En conséquence il serait très difficile d’extraire une interprétation géologique parmi ce signal bruité.

Correction

Vous pouvez télécharger les données pour reproduire l’expérience ou utiliser cette fonction pour les importer directement à partir du site.

import requests
from io import BytesIO
import numpy as np

def load_from_url(url):
    address = BytesIO(requests.get(url).content)
    return np.loadtxt(address)

On peut appliquer la correction d’altitude à partir des données de l’altimètre moins précis. Il faut d’abord définir quelques constantes.

# Définir les constantes
z0 = 1000  # altitude de référence (m)
G = 6.67408e-11  # constante G (SI)
M = 5.972e24  # masse de la Terre (kg)
R = 6371e3  # rayon moyen de la Terre (m)

Puis, il faut une fonction de correction. Dans notre système de coordonnées selon l’équation (11) la correction d’altitude est :

\[\Delta g_\mathrm{A} = \frac{2Gm}{r_0^3}(z - z_0) ,\]

ce qui se traduit numériquement par :

# Définir la fonction de correction d'altitude
def corr_alt(z, z0):
    return 2*G*M*(z-z0)/R**3

Puis il faut charger le fichier de données et extraire les colonnes correspondantes aux données.

url = 'https://clberube.org/glq2200/assets/data/gravi_aero.txt'
data = load_from_url(url)
x = data[:, 0]  # la première colonne contient la position
z = data[:, 1]  # la deuxième contient l'altitude
gz = data[:, 2]  # la troisième contient la gravité

On appelle finalement la fonction de correction :

# Corriger les données
gz_corr = gz + corr_alt(z, z0)

Finalement on peut tracer le résulat contenu dans le vecteur gz_corr pour évaluer la qualité des données corrigées (Figure 4).

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Figure 4. Signal de l’accélération gravimétrique après application de la correction d’altitude. Les données peuvent être interprétées.

L’effet de l’altitude sur les données a été grandement réduit. Remarquez que la courbe n’est pas complètement lisse. C’est normal : les données réelles sont toujours associées à une incertitude.

Cet exemple a servi à démontrer que les mesures gravimétriques sont très fortement affectées par les variations d’altitude. C’est d’ailleurs souvent la correction la plus importante. Pour cette raison, entre autres, le développement des méthodes de gravimétrie aéroportée représente tout un défi. Tous les bruits causés par les vibrations de l’appareil doivent être corrigés!

Question

Est-ce que l’allure de l’anomalie gravimétrique retrouvée ici est compatible avec la présence d’une formation de fer aux environs de $x = 50$ m?


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Dernière modification : 2024-01-27 à 14:04:43.